lundi 31 mai 2010

Une réponse possible à Jacques Roubaud

Un autre jour se tait
Sans que je ne puisse te répondre
J’ai bien tenté mais ma voix ne parvenait pas jusqu’au toit.
Contrainte de t’écrire sans les mouvements de ta bouche,
Pour quelques photos noir et blanc noir et blanc
Pour une peau plus douce que tu aimes
Pour un souvenir de quelques semaines, je te nommais :
« Mon ange »
Blanc des motifs des rues où l’on se suit de dos
Sans seins à caresser,
« Mon ange blanc », voilà que je m’abîme de mal
Et j’arrive, j’arrive, à hauteur d’absence
Je parle encore de toi, je tiens dans l’inclinaison
Dans le goût de l’ombre, dans le souffle d’un silence.

dimanche 30 mai 2010

Du dedans

Des mains tissent d’ombre le creux d’un esprit,
Là, dans le nœud de l’arbre tourné vers la plaine.
Dans un cercle ramassé, des futurs, comme un poing,
Ruisselants de la terreur du premier sommeil,
S’abîment le jour levé des paroles de personne.
Aucune bouche ne soulève l’ouvrage
A l’intervalle le poids des pierres s’émousse
Et, glissent simplement quelques larmes
Qui n’atteindront jamais la mère.
La poussière de la terre brame la mémoire.

Très

[Se jeter à corps perdu dans la nouveauté, ce n’est finalement que donner le goût d’un jamais vu à quelque chose d’avant manqué.]


Il y a encore ces quelques mois aux abords de nous
Comme chemins d’aller comme pour s’atteindre
Comme sans retour, comme défaits –
Il y a à voir un effondrement

Puis, nous nous sommes présentés - finalement -
Nous avons vidé le temps
Sombre des craintes de la simple image
Nous sommes venus avec nos ombres
Saluer au miroir de nos aurores -
L’enfance

lundi 22 février 2010

Les yeux ouverts

Je nous regarde, je regarde ce qui nous compose quand nous partageons le vide quand je consens et ton silence, nous aimons nos ombres.
Je n’ai jamais marché avec toi ; nos mains sont inconnues. Je lis Pascal Quignard, je lis les Ombres errantes parce qu’elles nous ressemblent – du moins le crois-je et je fais appel à d’autres – des mémoires qui avec la distance, cognent, me cognent. Chaque pas, dans le livre, au détour d’un poteau, chaque rencontre quand il faut lever le regard pour ne pas tomber, frapper l’autre, chaque pas comme chaque mot, comme ton souffle, ton absence.

Nous sommes reconnaissables. Nous marchons droit avec le temps, les pierres nous sont identitaires ; et, l’on casque nos oreilles pour ne plus entendre, deux entre quatre murs. Nous sommes des histoires sensationnelles : part de, part de, notre mort, part de, grand pas.
Inlassables, je suis ton cercle.
Nous nous répondons dans cette image préfigurée – avant l’autre. Comme repaître.
A la nuit tombée, assise au balcon, je regarde par la fenêtre le mouvement de l’enfance.
De l’air.

Au chapitre VIII, Pascal Quignard évoque le dernier empereur romain Syagrius : l'oubli façonné par une lecture horizontale de la Mémoire, comme si chaque strate du manteau était interprétée de manière indépendante. Et je pense à Cadmos et Harmonie, au sacre fait.
Quignard dit à propos de Syagrius 'la légende retenue n'est pas vraisemblable.'.
Que la légende retienne de Cadmos qu'il fut le fondateur de Thèbes, qu'il fut le frère d'Europe qui fuyait les désirs de Zeus, qu'Harmonie fut le fruit d'amours interdits, que la somme des deux soit la représentation de notre morale sociale, qu'ils soient la transfiguration propre de notre intime, de l'entrechoc de nos désirs, qu'ils soient psychanalyse - encore une pierre - et qu'ils n'appellent plus notre mémoire est un mal-apprit.
Une peau décollée petit à petit
- du corps.


Nous partageons et nous ne pouvons plus nous appartenir - nos parts célestes forment un cercle - nous nous abandonnons. Il reste de nous une langue commune, quelque représentation d'un souffle d'avant. Un renaitre.
Le temps quand on lui donne parole, revient en bords, enfance, il est ruine de Mémoire. Heures nommées, saisons nommées.
Nous nous procédons, l'in-vention est sol-i-taire.
Image.


La voix.
Le son de la voix :
Le premier cri, comme il s’amplifie, comme il traverse, comme il est ce premier mouvement qui se cogne aux bords d’une pièce, à la densité de l’air, à la singularité des corps en présence, quand il s’éveille enfin, perd son chant sacré ; porte notre de-venir.
La perte.
Le son de la perte :
Je t’écris.

mercredi 10 février 2010

*


[Chaque écho, pas, chaque air, souffle, dans le goût des larmes les mêmes
Pareil, pluie
Chaque froid qui manque dedans, écho, pas, air, souffle
Chaque, chaque, une même même douleur
Mots séparés le vide
Entre
Dedans nous
pareil]

Bruits de rue comme baroques contemporains
Là s'appuie
L'oubli du vent dans les cages et quelques verres derrière les mains
arides d'un sol qui n'évacue pas, n'évacue plus
La mort
Nous marchons dessus
le jour, et, la nuit
Nos lèvres muettes d'une éternité - au bord.

D'absence




Je te reconnais tel, ainsi, je te garde
Je garde l’image de toi : au seuil,
Le col remonté tes gants de cuir tranchants avec les bras
Comme si arrachées, j’avais gardé tes mains contre moi
Proches.
Tels nous nous regardons une dernière fois
Ta voix en écho en spirale, bute puis tombe, tu ris.
Je te regarde partir
Ta nuque sur laquelle j’ai glissé quelques mots
Peut-être ta nuque claire

Nous nous sommes revus avec le changement
Une distance, un temps lieu vécu
Séparément –fallait-il nous plaire encore.
Endormis, l’un contre l’autre peut-être,
D’autre jour, nos voix, nos mains et loin
Nous nous retrouvons au matin d’attente

Et long long le temps - Etrange langue parlée d’un,
Des larmes de naissance ne s’effacent pas, bercent encore par différance
Ton œil, pierre qui ne regarde que toi
Souffle qui ne vient qu’à toi
Corps qui ne se donne pas
Trouble, eau de nos mots judas
Baisers postures espace temps à l’envers des caresses
Ciment d’abandon
Strie à l’angle
Des ruines je te reconnais,
Garde l’image comme si arrachée.

dimanche 27 décembre 2009

Finalement

De l'épuisement des choix
(naissance d'Orphée)


[J'ai retrouvé dans notre cabane en bois un peu de la soie de nos transformations]


Plus tard - nous avons grandi cet espace de la distance de nos mains -
plus grande que nos errances, nos déchirures poussées hors-de-soi -
Nous nous sommes manqués.

Lors - quand nous levons les yeux à hauteur des genêts -
nous mesurons l'illusion, racines à ras-de-terre -
A l'intervalle - nous croyons -images sans lèvres
où s'aère une prophétie à l'abandon
L'oeil simplement revenu à soi.







[Parfois des suites - 14 janvier - 27 décembre 2009]