lundi 22 février 2010

Les yeux ouverts

Je nous regarde, je regarde ce qui nous compose quand nous partageons le vide quand je consens et ton silence, nous aimons nos ombres.
Je n’ai jamais marché avec toi ; nos mains sont inconnues. Je lis Pascal Quignard, je lis les Ombres errantes parce qu’elles nous ressemblent – du moins le crois-je et je fais appel à d’autres – des mémoires qui avec la distance, cognent, me cognent. Chaque pas, dans le livre, au détour d’un poteau, chaque rencontre quand il faut lever le regard pour ne pas tomber, frapper l’autre, chaque pas comme chaque mot, comme ton souffle, ton absence.

Nous sommes reconnaissables. Nous marchons droit avec le temps, les pierres nous sont identitaires ; et, l’on casque nos oreilles pour ne plus entendre, deux entre quatre murs. Nous sommes des histoires sensationnelles : part de, part de, notre mort, part de, grand pas.
Inlassables, je suis ton cercle.
Nous nous répondons dans cette image préfigurée – avant l’autre. Comme repaître.
A la nuit tombée, assise au balcon, je regarde par la fenêtre le mouvement de l’enfance.
De l’air.

Au chapitre VIII, Pascal Quignard évoque le dernier empereur romain Syagrius : l'oubli façonné par une lecture horizontale de la Mémoire, comme si chaque strate du manteau était interprétée de manière indépendante. Et je pense à Cadmos et Harmonie, au sacre fait.
Quignard dit à propos de Syagrius 'la légende retenue n'est pas vraisemblable.'.
Que la légende retienne de Cadmos qu'il fut le fondateur de Thèbes, qu'il fut le frère d'Europe qui fuyait les désirs de Zeus, qu'Harmonie fut le fruit d'amours interdits, que la somme des deux soit la représentation de notre morale sociale, qu'ils soient la transfiguration propre de notre intime, de l'entrechoc de nos désirs, qu'ils soient psychanalyse - encore une pierre - et qu'ils n'appellent plus notre mémoire est un mal-apprit.
Une peau décollée petit à petit
- du corps.


Nous partageons et nous ne pouvons plus nous appartenir - nos parts célestes forment un cercle - nous nous abandonnons. Il reste de nous une langue commune, quelque représentation d'un souffle d'avant. Un renaitre.
Le temps quand on lui donne parole, revient en bords, enfance, il est ruine de Mémoire. Heures nommées, saisons nommées.
Nous nous procédons, l'in-vention est sol-i-taire.
Image.


La voix.
Le son de la voix :
Le premier cri, comme il s’amplifie, comme il traverse, comme il est ce premier mouvement qui se cogne aux bords d’une pièce, à la densité de l’air, à la singularité des corps en présence, quand il s’éveille enfin, perd son chant sacré ; porte notre de-venir.
La perte.
Le son de la perte :
Je t’écris.

1 commentaire:

  1. yeux ouverts ou en aveugle, puis je dire que j'aime cette texture de mots ? elle me douche en intime

    juste peut être un regret pour
    //inlassables, je suis ton cercle.// le pluriel ne s'entend pas et pourtant il a son poids d'importance

    uh hum, la faute à la ponctuation... il me semble

    Respectueusement

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